Wednesday, May 26, 2010

L’Afrique face à la Mondialisation


Cettte communication est faite le 20 mars 2010 dans le cadre du programme d’animation scientifique du G7D, Campus social de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis.


Introduction :

Les deux guerres mondiales puis la guerre froide ont beaucoup contribué à la fragmentation du monde et la formation de blocs antagonistes sur tous les plans. Les années 90 marque une nouvelle ère dans la vie internationale. Cette période a été qualifiée de « nouvel ordre mondial »1, de « retournement du monde »2, « la fin des territoires »3 ou de « la fin de l’histoire »4 marquant le triomphe de la démocratie libérale et du capitalisme économique. Ainsi, notre monde est de plus en plus intégré. Le processus de la mondialisation qui connu un essor important après la fin de la guerre froide est devenu « un fait incontournable » selon l’Ancien Secrétaire Général des Nations Unies (ONU)5. Cet essor s’explique aussi par la libéralisation de l’économie, le développement des technologies de l’Information et de la Communication (TIC), du transport, etc.

Selon Frédérique Sachewald, la mondialisation est une « notion  à la fois très en vogue et souvent flou »6. Elle est multidimensionnelle et touche tous les domaines de la vie économique, culturelle, environnementale et sociale- jusqu’aux relations entre les Etats et les Nations des cinq continent, comme le faire remarquer, Mohamed Daouas7. Dans l’étude des Relations Internationales, cette mondialisation nous pousse à re-analyser les concepts de « souveraineté, intérêt national, frontières etc. » Ainsi, cette mondialisation se caractérise par l’interdépendance des systèmes au niveau mondial. Ce processus présentent un certain nombre d’avantages mais aussi des avatars que Paul Laudicina résume parfaitement en ces termes : « le paradoxe de cette ère de la mondialisation est le suivant : les mêmes forces qui ont donné naissance à des opportunités sans précédent ont également créé des vulnérabilités et des périls eux aussi sans précédent »8

D’où, l’intérêt de s’interroger sur la place du continent africain dans cette « ère de la mondialisation ». L’Afrique est-elle bien outillée pour profiter des opportunités qu’offre la mondialisation, et se prémunir des « vulnérabilités et périls » qu’elle occasionne ?

Il convient de constater la marginalisation de l’Afrique dans ce processus de mondialisation (I). Cependant, cette marginalisation est en train d’être combattue par des efforts d’intégration de la part des leaders du continent (II).



I-DE LA MARGINALISATION…


Comme beaucoup d’observateur de la scène internationale, Philippe Frémeaux constate dans un article intitulé, « la mondialisation vue d’Afrique »9,  s'il est une région marginalisée dans la mondialisation, c'est bien l'Afrique. Cette marginalisation du continent africain s’explique par un certain nombre de facteurs (A) et a des effets sur la vie du continent (B).


A-Les facteurs de la marginalisation


Les facteurs de cette marginalisation sont nombreux. Cependant, ils peuvent étudier sous différents plans. D’abord le continent africain est le continent qui a le plus enduré l’esclavage puis la colonisation qui ont duré des siècles. Cela a entraîné la balkanisation de l’Afrique en différents micro-Etats dépourvus de réel poids socio-économiques et politiques. Cette période a favorisé aussi l’exploitation des ressources premières du continent au détriment des peuples d’Afrique. Selon une étude du Centre de Recherche pour le Développement International (CRDI) du Canada et intitulée « Mondialisation-croissance et marginalisation », le facteur historique est très déterminant dans cette marginalisation car les « colonies qui n’étaient en fait que des pourvoyeurs de matières premières n’avaient jamais pu bénéficier d’infrastructures adéquates et les populations n’avaient pas toujours accès à l’éducation et aux services sociaux de base qui font partie aujourd’hui des critères de pauvreté »10.

Par ailleurs, après les indépendances, les pays africains ont toujours maintenu de types d’économie axé sur l’exportation des matières premières vers l’Europe où elles sont transformées puis revendue sous forme de produits manufacturés en Afrique. Sur le plan économique, nous notons un déséquilibre dans les échanges commerciaux mondiaux. Les théoriciens du dépendentisme comme Samir Amin a évoqué « la détérioration des termes de l’échange ». Cependant, l’Afrique a contribué grandement aussi à sa propre marginalisation. En effet, l’instabilité sociopolitique du continent, le repli identitaire, l’absence de cadre juridique favorable aux investissements, la forte nationalisation de la vie économique sont des frein à l’intégration de certains pays dans cette « ère de la mondialisation » qui inaugure aussi « une nouvelle ère des inégalités »11 (Noël Giraud) que Paul Laudicina illustre avec cet exemple : « les 225 personnes les plus riches du monde contrôle autant de richesse que les 2,5 milliards les plus pauvres- plus de la moitié de la population mondiale »12

La marginalisation du continent africain dans ce processus de mondialisation entraîne aussi des effets sur les Etats et la vie des citoyens du continent.


B-Les effets de la marginalisation

Cette marginalisation du continent africain a des conséquences néfastes sur tous les plans. D’abord sur le plan économique, elle accentue la fragilité des économies africaines. En effet, les produits africains ont du mal à être compétitifs sur le plan international. D’abord, sur le plan national, ils sont concurrencés par les produits des grandes firmes des puissances économiques de la triade. Ces firmes ont les moyens de mettre sur le marché des produits de qualité à faible prix. D’où la tendance protectionniste de certains pays qui encouragent et appuient la production nationale.

Ensuite, sur le plan culturel, cette marginalisation entraîne la destruction ou l’affaiblissement des cultures africaines. D’ailleurs certains analystes s’interrogent sur la mondialisation comme étant « une occidentalisation »13 du monde avec l’uniformisation et l’universalisation des pratiques et des coutumes. Or, cette universalisation est le reflet même des cultures des puissances dominantes. (Par exemple : la polygamie pratiquée dans le monde islamique et dans les milieux traditionnels africains est jugée inacceptable et même illégale dans presque tous les pays occidentaux. Inversement, ces pays dont certains d’entre eux qualifient la pratique homosexuelle comme légale, font pression sur les pays africains surtout pour qu’ils la légalisent.). D’ailleurs voient en la mondialisation, « la fin de l’arrogance civilisatrice de l’Occident »14 avec la montée en puissance des puissances non occidentales comme la Chine.

Et enfin, sur le plan sociopolitique, cette marginalisation fait que l’Afrique, n’est pas d’influence réelle dans les grandes institutions financières internationales comme la Banque Mondiale (BM), le Fonds Monétaire Internationales (FMI) ou encore l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Or, c’est au sein de ces instances que se font les grandes négociations internationales, se définissent les grandes lignes de la politiques internationales. C’est pourquoi la mondialisation affaiblie plus l’Etat africain qui perd beaucoup de sa souveraineté, à qui ces institutions imposent une politique qu’ils sont contraints d’appliquer. L’exemple des plans d’ajustement structurels dont le Sénégal est le premier pays signataires est édifiant.

La marginalisation d’une partie importante de la planète au processus de mondialisation a favorisé sa contestation par les mouvements altermondialistes à travers le Forum Social Mondial15.

Cependant, les dirigeants africains ont compris que l’Afrique ne peut pas rester hors de ce processus en le subissant. L’Afrique veut aussi être un acteur de la mondialisation. C’est ce que explique son souci de bien s’intégrer dans ce processus.




II-…A la tentative d’intégration


« Bon gré, mal gré, l’Afrique doit aujourd’hui vivre, comme l’ensemble de notre planète à l’heure de ce que l’on appelle la mondialisation »16. Ce constat de l’ancien Président la République du Sénégal (1981-2000) ne peut pas continuer à être (se) marginalisée. Ainsi, l’Afrique a mis en place des instruments de sa propre intégration (A). Une intégration effective de l’Afrique dans ce processus constituera un enjeu majeur dans les relations internationales (B).


A-Les instruments de l’intégration

« La mondialisation est une force irréversible et un véritable « tsunami » économique pour l’Afrique».17 D’où donc la nécessité de s’y adapté. En effet, vu la nouvelle configuration des relations économiques internationales, le continent africain a mis en place un certain nombre d’organisations d’intégration économique chargées d’harmoniser les politiques des pays africains dans le domaine économique et social. Parmi ces organisations, nous pouvons citer l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) qui regroupe de l’Afrique occidentale, la Southern African Development Coordination Conference, (SADCC) avec les pays situés au Sud du continent. Ces regroupements régionaux permettent d’intensifier les échanges entre pays africains et créer un vaste marché où sera assuré une libre circulation des biens, des personnes et des services.

C’est surtout le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) qui constitue aujourd’hui le véritable instrument de réponse à la mondialisation18. Fondé en 2001, sous l’initiative du Nigeria, du Sénégal, de l’Afrique du Sud et de l’Egypte, cette organisation qui est rattachée maintenant à l’Union Africaine s’est fixée comme objectif de permettre à l’Afrique de participer activement à la l’économie mondiale. Selon Abdou Diouf, le NEPAD, en prônant « l’ouverture de l’Afrique au reste du monde, le recours aux investissements privés étrangers pour financer le développement, et la réduction de la sphère d’action de l’Etat comme acteur du développement (…), s’inscrit sans complexe dans la logique d’une mondialisation dont l’Afrique voudrait enfin profiter »19. Il implique différents acteurs du développement à côtés de l’acteur étatique.20

Cependant ces organisations présentent des faiblesses résultant même du manque de volonté des Etats membres de déléguer des pouvoirs réels et les moyens nécessaires pour la réalisation de leurs objectifs.


B-Les enjeux de l’intégration

Une Afrique intégrée dans le processus de la mondialisation n’est pas sans effet dans les relations internationales. En effet, cette intégration changera considérablement les rapports économiques et politiques entre l’Afrique et ses partenaires internationaux. Elle permettra de mieux revoir les termes de l’échange qui ne seront dictée par la logique de pays assistants à pays assistés, mais plutôt entre des partenaires égaux.

Ainsi, la mondialisation peut bien être très bénéfique pour l’Afrique si celle parvient à s’adapter à ces exigences. En effet, comme le montre Sylvie Brunel, « la mondialisation est un catalyseur du décollage économique. Les pays qui ont des institutions solides, un territoire bien équipé, un secteur industriel déjà étoffé, une population qualifiée se sont développés grâce à l’afflux des capitaux privés. Ceux qui profitent des cours élevés des matières premières pour diversifier leur économie et développer les services à la population, aussi. Les autres, non. La mondialisation ne suscite pas le développement. Elle peut juste l’accélérer. »21 Pour illustrer cela, nous pouvons citer l’exemple du Brésil, de l’Inde, de la Chine, de l’Afrique du Sud qui ont connu un développement assez considérable qui les range aujourd’hui dans le groupe des pays émergents et membre du G20.

Pour être compétitif le continent africain doit donc mettre sur le marché des produits compétitifs tant sur la qualité que sur le prix. Pour cela donc, il est nécessaire de développer l’industrie africaine et d’encourager l’initiative privée. Par ailleurs, les pays partenaires de peuvent « appuyer les efforts des pays africains en donnant libre accès à leurs marchés aux exportations de ces derniers, ce qui permettra aux pays pauvres très endettés de mieux s’intégrer au système commercial mondial »22.

Une faiblesse intégration de l’Afrique peut même constituer une menace pour la sécurité internationale dans la mesure le développement des TIC a aussi favorisé l’internationalisation des crimes organisés, du terrorisme, autant de fléaux qui trouble le « nouvel ordre mondial ».



Conclusion :

Malgré les efforts d’intégration dans le processus d’intégration, l’Afrique demeure toujours marginalisé surtout sur le plan économique : « ses exportations représentent 1% des exportations mondiales et sont composées pour l'essentiel de produits primaires. Sa part des investissements internationaux? Elle oscille autour de 2%, pour moitié dans l'exploitation pétrolière »23.

Ainsi, on peut bien s’intégrer si l’Afrique parviendra à faire face à la mondialisation en profitant de ses fruits.



Notes:

2.Traduite de l'anglais « a new world order », cette expression a été utilisée pour la première fois par Georges Bush père, alors Président des Etats-Unis, au congrès américain, le 11 septembre 1990. Lire le discours sur: http://www.sweetliberty.org/issues/war/bushsr.htm

3. Bertrand Badie et Marie-Claude Smouts, Le retournement du monde: Sociologie de scène internationale, Paris, Editions Dalloz – Sirey, 3e éd., 1999

4.Bertrand Badie, la fin des territoires, Paris, Fayard, 1995 

5. Francis Fukuyama, La fin de l’histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, 1993

6. Cité par Paul Laudicina, Le désordre du monde. Les grands axes de l’Avenir, Paris, Vuibert, 2005. p : 21

7. Frédérique Sachewald, « Une Economie mondiale. De l’internationalisation à la mondialisation », Cahier Français n° 269. p : 42

8. Mohamed Daouas, « L’Afrique face aux défis de la mondialisation » in Finances & Dévellopement, décembre 2001, p : 4

9. Paul Laudicina, op.cit. p : 11.

10. http://www.alternatives-internationales.fr/la-mondialisation-vue-d-afrique_fr_art_270_26117.html

11. http://www.wadeukeubi.com/afrique/le-nepad-reponse-africaine-a-la-mondialisation-et-a-la-marginalisation.html

12. Noël Giraud, « Comment la globalisation façonne le monde », Politique Etrangère, N° 4- 2006, p. 930

13. Paul Laudicina, opt.cit. p : 10

14. Daniel Cohen, « Mondialisation ou Occidentalisation ? » Sciences Humaines, N° 180- Spécial: « 10 questions sur la mondialisation », mars 2007

15. Sylvie Brunel, « Une aubaine pour le Sud ? », Sciences Humaines, N° 180- Spécial: « 10 questions sur la mondialisation », mars 2007 (http://www.scienceshumaines.com/une-aubaine-pour-le-sud-_fr_15316.html)

16. Lire François Houtard, « Forces et Faiblesses de l’Altermondialisation », Le Monde diplomatique, novembre 2003, p. 16-17.

17. Abdou Diouf, « L’Afrique : intégration régionale face à la mondialisation » in Politiques Etrangère, N° 4, 2006.

18. Gaston  Maboula-Ngounga, “Mondialisation : coup de grâce à l’industrialisation de l’Afrique ? » http://www.congopage.com/article/mondialisation-coup-de-grace-a-l

19. Lire « Le NEPAD, réponse africaine à la mondialisation et à la marginalisation » http://www.wadeukeubi.com/afrique/le-nepad-reponse-africaine-a-la-mondialisation-et-a-la-marginalisation.html

20. Abdou Diouf, op.cit.

21. Rawia M. Tawfik, « NEPAD and African Development : Towards a New Partnership between Development Actor in Africa” African Journal of International Affairs, Vol.11, N° 1, 2008, pp-55-70

22. Sylvie Brunel, op.cit.

23. Mohamed Daouas, op.cit. p : 4

24. Philippe Frémeaux, op. cit.

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